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...Il était une fille...

Il est bien difficile de se décrire soi-même ou de se définir, mais en observant l'ensemble de nos aspirations, de nos passions de nos partages, nous pouvons peut-être essayer de nous (re)- connaître.

LE PETIT PORTE-MONNAIE (Partie 2)

La Capitale.

Jo partait pour la Capitale, comme un porte-étendard, gardienne et représentante des valeurs familiales. Et cette main qui serrait toujours plus fort dans son ventre.

La Capitale
Ilana partait pour la Capitale, comme un oiseau, retenue par l’amour de sa prison, que l’inattention du maître aurait laissé ouverte. Et cette rage toujours plus forte qui s’étendait dans sa tout son corps.

La Capitale
Mademoiselle Pimel partait pour la Capitale, comme si la jeune fille qu’elle avait oubliée d’être avait décidé de revenir. Et ce désir toujours plus fort, de plus en plus difficile à étouffer.

LE PETIT PORTE-MONNAIE (Partie 2)

Jo avait collé sa joue à la fenêtre, elle aimait le contact du froid sur sa joue, lorsqu’elle bougeait sa tête, la vitre etait comme une ventouse. Elle posa la paume de sa main sur cette joue plus fraîche, puis glissa sa main sur la plus chaude. Ses yeux essayaient de fixer toujours la même direction, mais elle ne réussit pas. Ils bougeaient sans cessent. Oui, ses yeux veulaient tout voir.

Mais sa rêverie fut interrompue. Elle se sentit observée, plus même, épiée. C’est ce regard qui s’accrochait à elle depuis le début, comme un regard de haine.

Un regard de haine enfermé dans un corps de petite fille.
 

Jo savait qu' Ilana n’aurait pas dû être avec elle. Ilana ne connaissait pas ses positions ; Ilana ne remontait jamais assez son dos ; Ilana ne pointait pas correctement son pied ; Ilana n’avait pas d’amies ; Ilana n’avait que des choses plus brillantes que celles des autres.

Ilana regarda fixement le siège devant elle. Elle ne pouvait pas  sentir la fraîcheur de la vitre, elle ne pouvait pas rêver en regardant le paysage. On lui avait volé sa place, la place de la vitre, celle qu’elle voulait et qu’elle n’avait pas eu.

Ilana ne voulait pas regarder cette voleuse. Oui c’est une voleuse. Elle ne voulait même pas tourner la tête pour partager l’espace à rêve. Elle ssavait qu’elle était seule,  et  que Jo ne la regardait pas, personne ne la regardait, et cette absence lui fit mal à la peau, là où normalement les yeux auraient dû se poser.

Elle savait également que Jo serait avec elle. Jo ne dansait pas, elle flottait. Quand son pied pointait, la douleur ne s’imprimait pas sur son visage. Jo ne vivait pas, elle dansait.


Mademoiselle Pimel ne regardait pas le paysage, elle n’avait pas le temps. Elle passa sa langue sur ses lèvres. C’était salé. Mais elle  avait pris son mouchoir, heureusement. Elle put enlever cette moiteur qui lui recouvre le visage. La réalité, deux petites filles à surveiller dans une Capitale... .et Monsieur Pavrotti...un ballet à répéter...et Monsieur Pavrotti...une réputation à tenir ...et Monsieur Pavrotti.

Et comme disait sa mère, la chasteté c’est comme une bougie, la moindre étincelle peut embraser la plus petite mèche. Oui, la bougie de Mademoiselle Pimel fondait

                                                                                     ∴

Edgard Pavrotti attendait depuis une heure. Il sortait nerveusement un Zippo de sa poche, avec son pouce il l’ouvrait et le refermait d’un geste vif. Il pouvait attendre des heures comme cela.

Il avait tout fait pour obtenir que deux petites danseuses d’une école de quartier participent au Grand Ballet « Il faut laisser sa chance disait à la province »disait-il...Bernadette... pensait-il...

 

                                                                           

Trois demoiselles, aspirées par la Bête.
La Bête a déployé toute sa grisaille, ses bandits, ses mendiants, sa fumée noire. C’est son costume d’apparat, c’est comme cela que les trois demoiselles sont accueillies.
Jo était immobile, enfin, son corps l’était, mais ses yeux ne pouvaient pas. Le moindre espace avait quelque chose de nouveau à révéler. Elle ne pouvait plus contrôler ses yeux. Sa bouche légèrement entrouverte était envahie par une fine poussière, la poussière de la capitale, la poussière qui transporte la misère mais aussi l’espoir.

 

à suivre...

LE PETIT PORTE-MONNAIE (Partie 2)

Jo n’écoutait plus les recommandations de Mademoiselle Pimel, elle parcourait déjà la ville à l’intérieur de sa tête. Puis il avait fallu marcher et marcher encore.
 Marcher dans le silence imposé, celui qui est là parce que les mots s’arrêtent juste au coin des lèvres.

Bernadette...
Cela faisait longtemps qu’elle n’avait plus entendu ce prénom Mademoiselle Pimel. C’est Monsieur Pavrotti qui l’avait prononcé à l’arrivée du train...Je peux vous appeler Bernadette ? ...Les oreilles de Mademoiselle Pimel, habituées depuis si longtemps aux convenances, avaient mis du temps à saisir...Bernadette... Elles étaient alors devenues en un instant, rouges comme choquées par ce prénom, presque inconnu. C’était vrai, Bernadette s’était perdue depuis bien longtemps dans les étreintes de la solitude. Et cette voix un peu éraillée, cette voix du passé, cette voix d’homme ...C’est cette voix qui l’avait retrouvée. Mademoiselle Pimel marchait. Elle restait derrière ses petites danseuses, mais elle pressait le pas. Elle voulait se rapprochait de la chaleur, celle qu’elle avait ressenti sur le quai de gare, lorsque Edgard avait dit Bernadette.

                                                                                ∴

 

Le fond était recouvert d’un tissu un peu grossier « ça c’est pour la solidité » avait dit Mme Moscovitch. Ce n’est pas grave si l’intérieur n’est pas beau à contempler. Une soie douce comme la peau d’un abricot recouvrait la partie grossière. Les perles avaient été cousues une à une sur le bout de soie, avec du fil d’or. Ne le perd pas Ilana, il vient de Russie. Le plus important,c’est l’extérieur.

Ilana serrait fort son porte-monnaie en perles roses, presque trop. Elle était perdue. Ce n’était pas vraiment elle qui désirait être danseuse. Mais Mme Moscovitch lui avait raconté les ballets avec des yeux si brillants ...elle aussi voulait faire briller les yeux de sa mère.

Mais là, tout était tellement différent.
 

Où étaient donc cachés toutes les robes qui bruissent lorsque les dames se laissent choire sur le fauteuil en velours, où étaient les rires qui s’échappent des gorges, où étaient les colliers, où était le Tsar...Non il n’y avait que la Voleuse dans cette chambre froide. Cette chambre où le plafond n’est même pas droit, celle où l’on voit juste le dessus de la ville qui fume.

 

Edgard, Edgard, Edgard...Mademoiselle Pimel était hantée par ce nom.
Allongée sur ce lit, faisant fi de l’odeur de la vieille couverture marron et de ces draps solitaires depuis bien longtemps, elle pensait.
Maintenant qu'elle n’était plus dans le Sud, tout était possible.
Loin des regards, des rumeurs de quartier toutétait possible pour une vieille fille danseuse.

La main tenant délicatement ce bras d’homme, l’air faussement désemparée au milieu de la foule citadine...Mademoiselle Pimel essayait de s’imaginait. L’amour ne s’éteint pas avec les années.

De temps à autre un bruit inconnu ramenait Mademoiselle Pimel à la réalité de la pièce, et les effluves de pommes trop vieilles pour être mangées pénétraient ses narines...La foule disparaissait, comme les beaux appartements aux toits couleur de nuit...

 

                                                                          ∴

 

La nuit, la Capitale ne dormait pas.
La Capitale ne dormait jamais, elle revêtait simplement un costume à paillettes lorsque la lumière se faisait moins forte.

 

Jo s’était accommodée de cette chambre sous les toits, même si la poussière chatouillait intempestivement son nez. Ilana n’arrivait pas à trouver le sommeil. Lorsque Mademoiselle Pimel avait éteint la lumière, elle avait cessé tout mouvement dans son lit, elle voulait écouter tous les bruits. Seuls ses yeux bougeaient, à droite...à gauche...puis à droite... à gauche encore.
Elle voulait respirer silencieusement, mais les battements de son cœur la trahissaient.
Ils résonnaient dans sa tête. Ils résonnaient sourdement comme les coups que l’on entend à travers le mur d’une chambre. Dans l’obscurité, Ilana se souvenait.

L’obscurité, c’est comme une pièce dramatique qui se rejoue.
 

Ses muscles se raidirent....elle pensa très fortement à sa mère, elle entendait encore ses cheveux qui crépitent dans cette main invincible, cette main d’homme...le son du corps qui s’échouait sur un meuble...non, non...la respiration saccadée de Monsieur Moscovitch...enfin le silence...peur d’Ilana..est-elle morte maintenant ?

Insidieusement, les larmes s’étaient lovées dans les paupières d’Ilana.

Avec le chagrin, il existe des variantes. Le trop plein de larmes demeure dans les yeux pour les peindre en rouge, ou alors une des larmes est plus aventureuse que les autres et décide de parcourir les joues. Mais par la suite, elle entraîne avec elle toutes les autres.

C’est ce qui arriva ce soir là.
Ilana se dégagea impulsivement de son lit et Jo se réveilla.


Elle n’etait plus seule Jo, quelqu’un s’agrippait à son dos. Elle sentit le désespoir et un visage humide sur son bras.

 

Lorsque le soleil apparut entre les persiennes des volets tout était différent. Les paupières s’ouvrirent, c’étaient comme des pierres à l’intérieur, et ce que l’on croyait être une chose ne l’était plus. Les pensées nocturnes devinrent ridicules sous les rayons du soleil, presque amères.

Bernadette venait de se réveiller.                                                                                     

LE PETIT PORTE-MONNAIE (Partie 2)
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